Un évènement atmosphérique d’ampleur inédite observé en région Hauts-de-France

Article mis en ligne le 26/10/2017

Auteurs : P. Goloub, Q. Hu, T. Podvin, I. Popovici, L. Blarel, F. Unga, L. Gonzalez, M. Boichu - Laboratoire d’Optique Atmosphérique (LOA, CNRS/Université de Lille)

La façade ouest de la France, et plus particulièrement la région Hauts-de-France, a connu mi-octobre 2017 un événement atmosphérique d’ampleur inédite caractérisé par une concentration de particules très élevée, jamais encore observée depuis le début des relevés atmosphériques sur le site de l’Université de Lille en 1992. Une équipe de chercheurs, doctorants et ingénieurs du Laboratoire d’Optique Atmosphérique (LOA, CNRS/Université de Lille) a montré, grâce à l’analyse d’un ensemble de mesures de télédétection depuis le sol et l’espace, que cette teneur élevée en particules témoignait de la rencontre, au sein de la tempête Ophélia, de deux masses d’air transportant respectivement des quantités abondantes de poussières désertiques et de particules issues de feux de forêt au Portugal. L'analyse des observations au sol effectuées au LOA a permis de décrire, au cours du temps, la structure verticale complexe de ce panache issu d'un mélange de particules, la proportion respective des particules désertiques et de feux, ainsi que leur taille et leur forme.

Figure 1

Figure 1: Vue de l’atmosphère et du disque solaire depuis le Campus de l’Université de Lille (17/10/17, 10h15 UTC, AOD=2, © Q. Hu, LOA-CNRS).

Figure 2

Figure 2 : Depuis les airs, après le décollage à Lille Lesquin, d’un avion de ligne le 16/10/17 (© L. Blarel CNRS-LOA).

En France, le dernier événement atmosphérique caractérisé par une concentration particulaire forte datait du mois de mars 2014. Deux événements printaniers, une pollution importante de plusieurs jours suivie de l'arrivée de poussières désertiques, avaient ainsi alimenté une charge particulaire importante de l'atmosphère caractérisée par une épaisseur optique en aérosol (AOD1) de l’ordre de 0.6 ("Les scientifiques ont observé deux pollutions exceptionnelles dans le ciel métropolitain" ). Fin Août 2017, la présence de particules issues d’incendies de forêt canadiens avait été détectée à Lille à très haute altitude, jusqu’à 19 km. ("De la poussière à tous les étages" ).

1. Aerosol Optical Depth (ou épaisseur optique aérosol) est une grandeur optique sans unité reliée à l’opacité de l’atmosphère

L’événement atmosphérique qui a été observé mi-octobre 2017 est 4 fois plus intense qu’en mars 2014, si l’on en juge aux valeurs d’épaisseur optique mesurées (Figure 3). Cette fois, comme en témoigne les observations du capteur satellitaire SEVIRI, des couches denses de particules sahariennes ont rencontré plusieurs couches de fumée en provenance des intenses feux de forêts portugais attisés par les vents violents de la tempête d’automne Ophélia (des pixels colorés sur les images SEVIRI indiquent la source des feux au Portugal). Ces masses d’air abondamment chargées en particules ont été transportées vers la France et ont donné au ciel et au soleil cette couleur rosée inhabituelle que les habitants de la région Lilloise n’ont pas manqué de noter dans la matinée du 17 Octobre 2017 (Figure 1). Les passagers de vols aériens au départ de Lille perdaient quant à eux très vite de vue le sol (Figure 2).

Les instruments de la plateforme instrumentée du LOA (Université de Lille) n’ont rien manqué de cet événement atmosphérique exceptionnel, digne de l’Afrique de l’Ouest par l’abondance et la nature des aérosols rencontrés. La figure 3 montre un pic de concentration en aérosols (AOD jusque 2.7) le 17 octobre 2017 tandis que le niveau de fond s’élève à seulement 0.2 à Lille. L’exploitation des observations de photométrie solaire du réseau AERONET permet de décrire l’évolution temporelle de la distribution en taille des particules, en moyenne sur la colonne d’atmosphère (Figure 4). Dès le 15 octobre, la présence de particules grossières désertiques est visible à Lille (mode super-micronique). Elle s’amplifie le 16 et le 17 octobre. En revanche, le 17, on observe un très intense pic de particules fines (submicroniques) indiquant l’arrivée massive de particules issues de feux qui viennent s’ajouter aux poussières désertiques.

Figure 3

Figure 3: Épaisseur optique en aérosols (site de Lille, version 3, AERONET, Level 1.5V, PI. Goloub).

Figure 4

Figure 4: Évolution temporelle de la distribution en taille des aérosols observés à Lille (source AERONET-Lille, version 3, PI. P. Goloub).

Le LiDAR Raman LILAS nous révèle la structure très complexe de l’atmosphère (Figure 5) au cours de cet événement qui se caractérise par un mélange de couches de poussières désertiques et de fumées de feux de biomasse en provenance du Portugal jusqu’à environ 8 km d’altitude.

Figure 5 : Série temporelle du LiDAR LILAS (PI. P. Goloub, © Q. Hu, T. Podvin) du 16/10/17 16:00 au 17/10/17 06:00 UTC sur le site de Lille (LOA). (a) Les régions les plus rouges indiquent une forte concentration en particules tandis que les régions en bleue rendent comptent d’une très faible concentration en particules. (b) Dépolarisation aérosols qui nous informe sur la forme des particules et donc leur nature, particules désertique ou de feux.


L’évolution temporelle de la forme des particules atmosphériques est illustrée sur la figure 5b, qui exploite la variable de dépolarisation des mesures LIDAR. Faible (couleur bleue), cette dépolarisation indique que les particules sont proches de la forme sphérique typique des très petites particules de fumée, alors que plus élevée (rouge), elle témoigne de la présence de particules non sphériques typique des aérosols d’origine minérale en provenance des régions arides et désertiques.

Ainsi, l’analyse conjointe des mesures LIDAR et de photométrie solaire, toutes disponibles sur le site de Lille et dans la base nationale de données AERIS, permet ainsi de distinguer clairement l’arrivée d’aérosols de différentes natures dans le ciel lillois et de détailler leurs caractéristiques respectives (type, altitude, taille et forme des particules) au cours du temps.

Références

Lien vers le communiqué CNRS-INSU